La Réforme de la dépendance

Quelles sont les positions des Aînés Ruraux sur les propositions des Pouvoirs publics ?
lundi 28 février 2011
par  Jean Figarella
popularité : 72%

La réforme de la dépendance

Quels objectifs et quelles contraintes :

1- faire face à l’inflation constante des dépenses d’allocation personnalisée, l’APA, qui asphyxie financièrement les Conseils généraux ;
2- diminuer les dépenses restant à la charge des personnes âgées dans les maisons de retraite ;
3- favoriser le maintien à domicile ;
4- anticiper l’emballement du système à l’horizon 2035 (lorsque les plus de 60 ans représenteront le tiers de la population française et lorsque les plus de 75 ans représenteront 12 millions d’individus). Actuellement, on estime à 22 milliards d’euros par an les dépenses affectées à la dépendance. On estime à 10 milliards d’euros par an le chiffre de ces dépenses dans 15 ans.

JPEG - 152.7 ko

(Sciences Médico-sociales. Collection J. Figarella Ed. Foucher)

La situation actuelle :

Fin 2009, 1,2 million d’individus touchaient l’APA dont 440 000 vivant en établissement. L’APA est réservée aux personnes de plus de 60 ans après une évaluation médicale. L’APA est versée par le département et elle est comprise entre 530 et 1235 euros suivant le degré de dépendance et le lieu de résidence. L’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) qui remplace depuis 2007 le minimum vieillesse est versée à 580 000 personnes.

La CNSA (Caisse nationale de Solidarité pour l’autonomie) a été créée en 2004 après la canicule. Elle gère 18 milliards d’euros consacrées aux personnes âgées et handicapées. Ses ressources proviennent de la journée de solidarité (les employeurs versent à la CNSA 0,3% de leur masse salariale soit 2,2 milliards d’euros en 2009), de l’assurance-maladie (14 milliards d’euros) et d’une partie de la CSG. La CNSA finance essentiellement les établissements médico-sociaux, une partie de l’APA et de la prestation de compensation du handicap.

Les ménages, principalement au titre des frais d’hébergement en établissements, dépensent au moins 7 milliards d’euros par an pour la dépendance. Une étude de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales), un résident doit débourser en moyenne 2 200 euros par mois pour son hébergement en maison de retraite, aides comprises.

Quelles solutions peut-on envisager ?

-  Doit-on créer une nouvelle branche de la sécurité sociale ou se tourner vers les assurances privées ou combiner les deux ? Le rapport Valérie Rosso-Debord (voir ci-après) préconise (proposition n°12) la mise en place d’une assurance privée obligatoire dès 50 ans, encadrée par l’Etat. Les assureurs privés sont favorables à cette proposition même s’ils ne plaident pas pour un système obligatoire. Plusieurs associations de patients sont mobilisés contre cette piste car elles estiment que la dépendance doit relever de la solidarité nationale.
Les Aînés ruraux ont pris position le 14 décembre 2010 sur cette disposition : l’assurance obligatoire devrait commencer dès la première feuille de salaire (ou prélèvement social équivalent pour les non salariés), début de la vie active et non pas à compter de 50 ans (A 50 ans, beaucoup ont quitté le monde du travail et comment faire en cas de chômage, de maladie, de perte d’autonomie…. Il faudrait garder le caractère volontaire et optionnel de la souscription auprès de la compagnie de leur choix pour des garanties supplémentaires.

-  Autre solution : le recours sur succession après le décès de la personne dépendante (proposition n° 11 du rapport Rosso-Debord). C’est une disposition qui prête à controverse puisqu’il s’agirait de récupérer une partie des aides versées sur le patrimoine du bénéficiaire au moment de son décès. Beaucoup craignent que certaines personnes renoncent à une prestation pour préserver leur succession…
Pour les Aînés Ruraux, cette proposition va à l’encontre du principe de solidarité. La reprise sur succession devrait concerner toutes les successions et pas seulement les familles des personnes dépendantes ayant bénéficié de la prestation « perte d’autonomie » ; cela constituerait une sorte de double peine pour ces familles. Appliquer ce recours sur toutes les successions est simple et ne demande pas de dossier complémentaire aux successions traitées par les notaires. Par exemple un prélèvement de 2% apporterait environ 2 miliards d’euros et constituerait une forme nouvelle de solidarité.

-  Il est également envisagé la possibilité d’une hausse de la CSG des retraités. (proposition n° 13 du rapport Rosso-Debord)

-  Le rapport ROSSO-DEBORD préconise de réserver le bénéfice de l’allocation personnalisée d’autonomie aux personnes les plus dépendantes classées dans les groupes iso-ressources 1 à 3 de la grille AGGIR (proposition n°15). Les Aînés ruraux sont contre cette proposition car supprimer les GIR4 aurait pour conséquence d’amener les GIR1 et GIR2 dans les EHPAD.

-  D’autres sources de financement sont possibles comme une participation à la contribution solidarité autonomie des professions exemptées et des retraités par l’application de taux gradués en fonction des montants de leurs revenus. (proposition n° du rapport Rosso-Debord) ; il a de même été envisagé (rapport du sénat) une seconde journée de solidarité. Les Aînés ruraux sont défavorables à cette mesure d’une seconde journée de solidarité au nom de l’intergénérationnel.

JPEG - 117.9 ko

Dans les orientations retenues par le Sénat le 1er Février 2011 figurent :

-  le refus de la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale étant donné l’aggravation de la situation des finances publiques,

-  le principe d’un « financement mixte public-privé », couplant un « socle élevé de solidarité » à des assurances privées (non obligatoires) intervenant de façon complémentaire,

-  la généralisation de la couverture des Français par une assurance privée grâce à la réorientation des contrats d’assurance-vie ou des plans d’épargne retraite vers la garantie dépendance, ainsi que l’intégration d’une garantie dépendance dans les contrats des complémentaires santé,

-  la mise en place d’une « prise sur gage » sur le patrimoine des personnes âgées les plus aisées pour financer en partie l’allocation personnalisée d’autonomie (APA),

-  l’instauration d’une deuxième journée de solidarité,

-  l’alignement du taux de CSG dont s’acquittent les retraités sur celui des actifs.

L’organisation en 2011 du débat national sur le réforme de la dépendance repose sur :

-  la création en Janvier d’un comité interministériel sur la dépendance des personnes âgées en charge de la préparation du débat,

-  les réflexions (à partir de Février) des quatre groupes de travail : « Société et vieillissement », « Enjeux démographiques et financiers de la dépendance », « Accueil et accompagnement des personnes âgées », « Stratégie pour la couverture de la dépendance des personnes âgées »,

-  l’ouverture d’un site internet présentant les enjeux liés à la dépendance et permettant de recueillir les contributions du grand public,

-  l’organisation de concertations régionales à partir d’Avril, puis la tenue de quatre colloques interrégionaux thématiques.

-  Le CESE apportera également sa contribution au débat, tout comme le Haut Conseil pour l’Avenir de l’assurance-maladie et le Haut Conseil de la Famille, saisis de la question de l’articulation de la dépendance avec l’évolution de la protection sociale en France.

-  L’ensemble de ces travaux devrait être remis au Président de la République avant le moisde Juillet, afin de rendre possible l’intégration des premières mesures au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012.

Annexe 1 :Principales dispositions du Rapport de Valérie Rosso-Debord :

-  Proposition n°1 : Mettre en place, sans délai, une consultation gratuite de prévention destinée à toute personne de plus de soixante ans.

-  Proposition n°2 : Adjoindre à chaque convention tripartite liant une agence régionale de santé, un conseil général et un établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes, un cahier des charges spécifiques au dit établissement et relatif aux bonnes pratiques nutritionnelles devant être appliquées à l’égard de ses résidents. (objectifs prioritaires du Plan National Nutrition Santé : augmenter la consommation de fruits, de légumes, de calcium et de glucides ; augmenter la pratique quotidienne d’une activité physique ; réduire la contribution moyenne des apports lipidiques totaux ; diminuer la consommation annuelle d’alcool par habitant de 20% ; réduire de 5% la cholestérolémie moyenne, de 2-3 mm de mercure la moyenne de la pression artérielle systolique et de 20% la prévalence du surpoids et de l’obésité). Dans les établissements hébergeant des personnes âgées (EHPA), les états de dénutrition ou de malnutrition des résidents constituent un vrai problème.

-  Proposition n°3 : veiller à ce que les ARS définissent les objectifs chiffrés et les moyens d’une prévention des accidents indésirables évitables frappant les personnes âgées sur leur territoire et qu’à ce titre, elles s’assurent que tous les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ne disposant pas de pharmacies intérieures ont recours à un pharmacien référent.
Les chutes constituent 84% des 20 558 accidents de la vie courante survenus en 2004 chez les personnes de 65 ans et plus. Ces chutes engendrent 12 000 décès chaque année. Pour un quart des personnes de plus de 80 ans, ces chutes marquent le début d’un cycle de chutes répétées débouchant sur des hospitalisations et des pertes d’autonomie dont le coût financier est élevé alors que la prévention des chutes passe par des prescriptions simples.
Les prescriptions médicamenteuses extrêmement nombreuses chez les personnes âgées sont générées par les traitements de leurs polypathologies et par le manque de coordination entre les différents médecins prescripteurs. Cette consommation importante peut entraîner dans certains cas des accidents graves à l’origine de plus de 10% des hospitalisations chez les personnes de plus de 65 ans et de près de 20% chez les octogénaires.

-  Proposition n°4 : Inclure dans les diverses conventions de partenariat sur la formation des intervenants auprès de personnes âgées dont la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie est signataire, une formation à la reconnaissance et au signalement des situations de fragilité de ces personnes (sensibilisation aux situations annonciatrices d’un risque de perte d’autonomie).

-  Proposition n°9 : Interdire l’imputation des amortissements mobiliers et immobiliers des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes sur les prix de journée demandés aux résidents.
Le dispositif actuel de compensation financière de la perte d’autonomie des personnes âgées est la source de diverses inégalités dont les plus criantes ont pour conséquence de faire peser une charge pécuniaire insupportable sur les départements les plus pauvres ou les plus âgés ainsi que sur les classes moyennes désireuses d’entrer dans un EHPAD et sur les ayants droit des résidents les plus pauvres de ces établissements. Afin d’assurer une prise en charge plus équitable, il convient de redéfinir le système de péréquation de la distribution de l’allocation personnalisée d’autonomie sur le territoire national et réduire le reste à charge en établissement. Ce reste à charge résulte principalement de l’imputation sur le prix facturé aux résidents des frais d’amortissement des aménagements des bâtiments et des constructions.

-  Proposition n°10 : Inscrire dans le Code Civil que l’obligation alimentaire ne peut pas concourir au remboursement des aides sociales à l’hébergement accordées par les départements aux personnes âgées dépendantes résidant dans un établissement.

-  Proposition n°11 : Instituer pour les demandeurs du bénéfice d’une APA possédant un patrimoine d’au moins 100 000 euros, un droit d’option entre une allocation réduite de moitié mais n’autorisant pas un futur recours sur la succession de son bénéficiaire et le service d’une allocation à taux plein, pouvant être récupérée sur la succession future du bénéficiaire pour un montant maximum de 20 000 euros.

-  Proposition n°12 : Rendre obligatoire dès l’âge de 50 ans la souscription d’une assurance perte d’autonomie liée à l’âge et assurer son universalité progressive par la mutualisation des cotisations et la création d’un fonds de garantie.

-  Proposition n°13 : revoir les taux de la contribution sociale généralisée applicable aux pensions de retraite afin d’aménager une meilleure progressivité de ces derniers en fonction des montants de ces pensions et appliquer un taux de 7,5% aux montants les plus élevés.
La CSG dont la fraction de 0,1% rapporte chaque année 1 milliard de recettes à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie s’applique à l’ensemble des revenus. Alors que son taux est de 7,5% pour les revenus d’activités, le taux applicable aux pensions de retraite diffère selon leurs montants, allant d’une exonération totale à des taux de 3,8% et de 6,6%.

-  Proposition n°14 : Faire progressivement participer à la contribution solidarité autonomie, les professions exemptées (ainsi qu’aux retraites) par l’application de taux gradués en fonction des montants de leurs revenus. La contribution solidarité autonomie (CSA) qui génère plus de 2 milliards de revenus annuels depuis trois ans, n’est pas équitablement partagée entre tous les Français puisqu’elle ne touche que les salariés (en contrepartie d’une journée supplémentaire de travail non rémunéré, leurs employeurs versent une contribution de 0,3% de leurs rémunérations) et les détenteurs de patrimoine ou de produits de placement. Aucun effort contributif n’est demandé aux artisans, aux professions libérales et indépendantes, aux agriculteurs et aux retraités.

-  Proposition n°15 : Réserver le bénéfice de l’allocation personnalisée d’autonomie aux personnes les plus dépendantes classées dans les groupes iso-ressources 1 à 3 de la grille AGGIR.
L’ouverture des droits à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) aux personnes âgées légèrement dépendantes –celles classées en GIR4- a contrait les caisses d’assurance vieillesse à verser chaque année à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) une compensation –de plus de 65 millions d’euros en 2009- mais aussi à se recentrer sur la prévention des situations de fragilité des personnes classées en GIR 5 et 6.

-  Proposition n°16 : Alléger le régime fiscal applicable aux rentes viagères lorsque ces dernières sont destinées à prendre en charge une perte d’autonomie avérée.

Annexe 2 : Document utile : sur le site « ainesruraux.org », consulter dans la vie du mouvement la rubrique : « Une solution de maintien à domicile : le réseau gérontologique ou réseau de santé personnes âgées ».

Annexe 3 : Mesure de l’autonomie, l’outil AGGIR.

La grille AGGIR (Automie gérontologique et groupes iso resources) est un outil de mesure de l’autonomie. Cette grille permet d’évaluer les activités effectuées ou non par la personne seule et définit des groupes rassemblant des individus ayant des niveaux proches de bsoins d’aide pour accomplir les actes essentiels de la vie quotidienne.
Cette grille comporte dix variables d’activités corporelle et mentale, dites « discriminantes » et sept variables d’activités domestique et sociale, dites illustratives.

Chaque variable est évaluée selon trois modalités :
• A : fait seul spontanément, totalement, habituellement et correctement ;
• B : fait seul non spontanément, et/ou partiellement, et/ou non habituellement, et/ou non correctement ;
• C : ne fait pas seul, ni spontanément, ni totalement, ni habituellement, ni correctement.

A partir des réponses aux variables, un logiciel calcule des points et un score, et attribue à chaque personne un groupe iso-ressources.

Groupe 1 Personnes confinées au lit ou au fauteuil et ayant perdu leur autonomie mentale, corporelle, locomotrice et sociale, qui nécessitent une présence indispensable et continue des intervenants.

Groupe 2 Deux sous-groupes :
-  personnes confinées au lit ou au fauteuil dont les fonctions mentales ne sont pas totalement altérées et qui nécessitent une prise en charge pour la plupart des activités de la vie courante ;

-  personnes dont les fonctions mentales sont altérées mais qui ont conservé leurs fonctions locomotrices

Groupe 3 Personnes ayant conservé leur autonomie mentale, partiellement leur autonomie locomotrice mais qui nécessitent quotidiennement et plusieurs fois par jour des aides pou leur autonomie corporelle. L’hygiène de l’élimination nécessite l’aide d’une tierce personne.

Groupe 4 : Deux sous-groupes :

-  personnes qui n’assument pas seules leur transfert mais qui une fois levées peuvent se déplacer à l’intérieur du logement. Elles doivent être aidées ou stimulées pour la toilette et l’habillage.

-  personnes n’ayant pas de problèmes locomoteurs mais qui doivent être aidées pour les activités corporelles, y compris les repas.

Groupe 5 Personnes qui assurent seules leurs transferts et déplacements à l’intérieur de leur logement, s’alimentent et s’habillent seules. Elles peuvent nécessiter une aide ponctuelle pour la toilette et les activités domestiques.

Groupe 6 Personnes qui n’ont pas perdu leur autonomie pour les actes discriminants de la vie quotidienne.